La Conférence des Responsables de Cultes en France (CRCF)* a adressé une lettre ouverte au Président de la République et au Premier ministre français en amont de la COP29 à Bakou afin de les alerter sur les enjeux écologiques. Des propositions concrètes sur trois sujets clés sont mises en avant : des financements écologiques, vers une sortie des énergies fossiles et pour une réduction d’émission de gaz à effet de serre.
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Lettre ouverte de la CRCF* au Président de la République et au Premier ministre français dans le cadre de la COP 29
A Paris, le 8 novembre 2024.
Monsieur le Président de la République, Monsieur le Premier ministre,
Sur la route de la COP29 sur le climat puis la COP30 en 2025, et tandis que des textes clefs de la planification écologique de la France sont attendus, nous, responsables de cultes en France, tenons à vous interpeller une nouvelle fois d’une voix commune. Avec solennité, nous vous appelons à vous hisser à la hauteur de l’Histoire.
Plus de soixante nuits de suite sous une chaleur tropicale suffocante, à Nice. De nouveaux épisodes d’orages, de pluies torrentielles, d’inondations et de coulées de boue terribles et désespérantes, dans le Pas-de-Calais et ailleurs. Une sécheresse continue dans la région de Narbonne… Du Sud au Nord de notre pays, le changement climatique frappe, et rend ces types d’événements plus fréquents et plus intenses.
Au niveau mondial, 2024 sera certainement une nouvelle année record, après celle de 2023. Les drames ont fait la une tout autour du globe, depuis les inondations meurtrières en Inde, au Tchad et en Espagne, jusqu’aux 150 000 hectares de forêts partis en fumée en Californie, en passant par La Mecque écrasée par une chaleur de plus de 51 °C.
C’est bien à la France qu’incombe ce devoir d’exemplarité, afin d’assurer la mise en œuvre des engagements établis lors de la COP21 à Paris et d’inspirer de nouvelles mesures pour accompagner la transition écologique. C’est d’un sursaut politique dont nous avons besoin, face au risque que court l’humanité entière si nous ne réduisons pas drastiquement et immédiatement nos émissions. D’innombrables vies seront fauchées, des populations entières migreront pour survivre, des guerres sont à craindre, pour l’eau par exemple. En tant que dirigeants de notre pays, et compte tenu du poids diplomatique de la France, vous avez un rôle crucial à jouer.
Monsieur le Président, Monsieur le Premier ministre, le défi écologique vous appelle à incarner le pouvoir politique dans ce qu’il a de plus digne : aider à transcender les intérêts particuliers pour ouvrir un chemin vers le bien commun.
Il s’agit d’abord de dire la vérité. Le temps est à l’affirmation claire de l’urgence absolue que représente le dérèglement climatique, la destruction massive des populations et espèces animales et végétales, le dépassement des limites planétaires et l’épuisement des ressources. Sauvegarder l’habitabilité de la Terre pour nous les humains et pour le vivant dans sa splendide profusion est le défi qui prime – tous les autres enjeux en dépendent.
Nous réclamons par ailleurs le courage du changement de paradigme. Nous récusons l’optique d’une « transition » qui serait fondée sur l’illusion d’une croissance sans limite et une confiance aveugle dans la technique. Certes, la créativité et l’innovation sont importantes, mais les bouleversements écologiques en cours s’enracinent dans des représentations du monde et des valeurs qu’il est essentiel de repenser.
Nous dénonçons comme écocides le matérialisme, l’avidité et l’individualisme.
Riches de la diversité de nos confessions bouddhiste, chrétienne, juive et musulmane, nous imaginons une transformation ancrée dans la conscience de l’interdépendance de tout être, la révérence pour la vie et la quête de la justice et de la paix. La construction d’un futur désirable passe par la compassion pour tout le vivant, l’amour de notre prochain et de nos descendants, et l’invention collective, libre et créative de frugalités joyeuses.
Nous appelons enfin à assumer une solidarité comptable devant l’Histoire. La première des dettes écologiques est celle que globalement les pays du Nord, dont la France, doivent aux pays du Sud. Nous entendons la clameur de nos sœurs et frères : ce sont d’abord les plus pauvres qui sont et qui seront le plus durement frappés, tandis qu’ils portent une responsabilité écologique limitée, voire nulle. La justice climatique doit rester notre boussole.
La quinzaine de la COP29 en Azerbaïdjan puis les mois vers la COP30 au Brésil, qui sera un rendez-vous plus important encore, vous offrent une fenêtre d’opportunité pour concrétiser ces directions. Nous souhaitons mettre en lumière trois sujets clefs :
- Les financements post-2025 seront au cœur de la COP29. Nous appelons la France à :
- soutenir la définition d’un objectif d’au moins 1000 milliards de dollars par an nouveaux et additionnels, sous forme de dons ou prêts à taux quasi nul,
- se déclarer pour l’annulation pure et simple des dettes financières des pays du Sud,
- préserver, voire augmenter, dans son propre budget, les moyens financiers pour la transition.
- Un futur viable exige une sortie rapide et juste des énergies fossiles ; cette vision, dont s’était approchée la COP28, doit être défendue. Nous appelons la France à :
- se déclarer favorable à un Traité de Non-Prolifération des Combustibles Fossiles,
- soutenir l’interdiction de la présence à la COP des lobbyistes de l’industrie fossile,
- à rehausser son propre objectif à – 55 % d’émissions brutes d’ici 2030.
- De nouvelles contributions nationales (NDC) sont attendues d’ici à la COP30. Nous appelons la France à peser de tout son poids au sein de l’Union européenne pour une NDC basée sur la science et l’équité, qui s’engage à – 90 % d’émissions d’ici 2040. L’adaptation et les plans nationaux dédiés doivent en outre cesser d’être secondaires.
Nous en appelons à votre vigilance et à votre soutien pour que la société civile, dans tous les espaces, puisse faire entendre sa voix dans le respect de ses droits et sans être criminalisée.
Conscients des difficultés de votre tâche, nous comptons sur votre capacité à prendre le bien commun comme boussole, afin que les COP et les politiques nationales contribuent pleinement à protéger la vie de vos sœurs et frères humains et de la diversité du vivant. Nous redisons notre engagement de l’an passé à soutenir auprès des fidèles de nos cultes ou religions des objectifs ambitieux.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, Monsieur le Premier ministre, l’expression de notre plus haute considération.
*La CRCF regroupe des responsables représentant les instances du bouddhisme, des Églises chrétiennes (catholique, orthodoxe et protestante), de l’islam et du judaïsme.
Pasteur Christian Krieger,
Président de la Fédération protestante de France
Contacts presse :
Juliette Angeletti, juliette.angeletti@federationprotestante.org ; 07 77 23 16 77
Monseigneur Eric de Moulins-Beaufort,
Président de la Conférence des évêques de France
Contacts presse :
Céline Reynaud, celine.reynaud-fourton@cef.fr ; 06 23 02 96 94
Monseigneur Dimitrios,
Président de l’Assemblée des évêques orthodoxe de France
Contacts presse :
Carol Saba, contact@aeof.fr
Monsieur Haïm Korsia
Grand rabbin de France
Contact presse :
Yaël Levy Hirschhorn, yael@consistoirecentral.fr ; 06 98 58 35 31
Monsieur Antony Boussemart,
Président de l’Union bouddhiste de France
Contact presse :
info@bouddhisme-france.org
Maître Chems-Eddine Hafiz
Recteur de la Grande Mosquée de Paris
Contact presse :
Guillaume Sauloup, guillaume.sauloup@gmail.com ; 06 82 47 33 09