Paris, le 22 juillet 2022
Les Églises chrétiennes, – catholique, protestantes et orthodoxes – prennent acte de la décision du Conseil constitutionnel de ce jour.
Elles se félicitent de ce que le Conseil constitutionnel ait reconnu, à travers deux réserves d’interprétation de dispositions importantes de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, l’existence de risques d’atteinte à la constitutionnalité.
Elles regrettent que le Conseil constitutionnel ne soit pas allé jusqu’à la censure de ces dispositions et qu’il ait retenu, sous ces réserves d’interprétation, la conformité des articles visés aux droits et libertés que la Constitution garantit.
Elles maintiennent leur inquiétude sur les effets de cette loi, demandent à nouveau une vraie concertation sur son application et expriment leur vigilance sur les suites qui seront données à cette décision.
1.
Le Conseil constitutionnel vient de rendre publique sa décision n° 2022-1004 QPC du 22 juillet 2022 relative à la question prioritaire de constitutionnalité que le Conseil d’État lui avait transmise à la demande conjointe de la Conférence des évêques de France, de la Fédération protestante de France, de l’Église protestante unie de France et de l’Assemblée des évêques orthodoxes de France*.
Par cette démarche, les requérantes interrogeaient le juge constitutionnel sur l’inconstitutionnalité de plusieurs dispositions de la loi du 24 août 2021, qui introduisent un dispositif de contrôle et de contraintes des cultes. Elles regardaient ces dispositions comme contraires aux principes de liberté et de séparation qui sont les fondements du régime des cultes en France mis en place par les lois du 9 décembre 1905 et du 2 janvier 1907.
Le Conseil constitutionnel n’a pas pleinement accueilli les motifs d’inconstitutionnalité soulevés par les requérantes.
Il a néanmoins reconnu que ces dispositions étaient de nature à porter atteinte aux libertés en cause, tout en jugeant ces atteintes proportionnées, au regard de l’objectif de sauvegarde de l’ordre public, et il a assorti sa décision de deux réserves d’interprétation.
La première réserve concerne la clarification de la non-rétroactivité du retrait de la qualité de cultuelle. Elle vise à exclure toute restitution d’avantages dont l’association aurait bénéficié avant la perte de sa qualité cultuelle.
La seconde réserve invite le pouvoir réglementaire à veiller au respect des principes constitutionnels de la liberté d’association et du libre exercice des cultes dans la fixation des modalités de mise en oeuvre des nombreuses obligations mises à la charge des associations par lesquelles l’exercice public d’un culte est assuré.
La reconnaissance des atteintes à la liberté d’association et à la liberté de culte et les réserves formulées par le Conseil constitutionnel légitiment, à elles seules, la démarche engagée par les Églises chrétiennes de France.
2.
Les Églises chrétiennes de France persistent à regretter que le juge constitutionnel n’ait pas tiré les conséquences des atteintes aux libertés qu’il a reconnues en ne censurant pas les principales dispositions discutées :
D’une part, celles relatives à l’obligation de déclaration de qualité cultuelle : les requérantes maintiennent qu’au-delà de l’appellation de régime de déclaration, ces dispositions instaurent de fait un dispositif d’autorisation préalable des associations cultuelles. En l’absence de motivation explicite, les requérantes ne partagent pas l’affirmation du Conseil constitutionnel selon laquelle les dispositions ont pour seul objet d’instituer une obligation déclarative, sans autre effet.
D’autre part, celles relatives à l’imposition de contraintes nouvelles telles, pour les associations1901 dites mixtes, que les activités cultuelles ne pourront plus s’y dérouler librement puisqu’elles s’exerceront sous la surveillance du Préfet et dans un cadre encore plus contraignant que celui des associations cultuelles.
Les requérantes sont pleinement conscientes des exigences légitimes de protection de l’ordre public. Elles peuvent d’autant moins les sous-estimer que parmi les victimes d’actes terroristes figurent aussi des chrétiens visés en tant que tels et des fidèles d’autres confessions. Les requérantes estiment néanmoins que ces exigences pouvaient être déjà satisfaites sans le recours à ces dispositions.
3.
Monseigneur de Moulins-Beaufort (Président de la Conférence des évêques de France), le Pasteur Krieger (Président de la Fédération protestante de France) et Monseigneur Dimitrios (Président de l’Association des évêques orthodoxes de France) ont déclaré :
«
Nous nous félicitons de ce que le Conseil constitutionnel ait exprimé des réserves quant à l’interprétation de cette loi. Nous regrettons que cette décision ne soit pas allée plus loin dans la remise en cause des atteintes portées aux libertés par la loi du 24 août 2021. Nous demeurons inquiets de constater que le régime de liberté mis en place par les lois de 1905 et de 1907 et confirmé par la jurisprudence depuis plus d’un siècle est profondément modifié. Nous maintenons que, de notre point de vue, ce régime a, depuis le 24 août 2021, cédé la place à un régime de contrôle et de contraintes, qui comporte beaucoup d’incertitudes, sources d’instabilité juridique à venir
».
La procédure de contestation des décrets d’application de la loi du 24 août 2021 va désormais se poursuivre. Les requérantes ne doutent pas que ces recours seront examinés avec le plus grand soin par le Conseil d’État, en considération des réserves exprimées par le Conseil constitutionnel.
Les instances chrétiennes de France, conscientes de leur rôle citoyen au coeur de la Cité, du rôle des autorités dans la défense de l’ordre public et de la paix sociale, et de la nécessité de conforter le respect des principes de la République, invitent les autorités de la République à un débat constructif sur les dispositions qui sont déjà source de problèmes, afin d’éviter toute instabilité juridique dans le droit des cultes.
*L’Union des associations diocésaines de France figurait aussi parmi les requérants, la Conférence des évêques de France étant partie en la personne de Président.
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